Vers 1400, parmi les autres toparchies (principautes, provinces) de Mani, il y avait la Toparchie des "Parathyridioi Maniates", c'est-a-dire les Maniotes qui habitaient dans la region du Cap Tainaro, appele "Thyrides" par Pausanias (le geographe et historien du 2e siecle apres JC).
Dans cette toparchie donc, il y avait deux tres puissantes lignees, parmi d'autres, appelees aujourd'hui "familles" : celle des «Patsouros» et celle des «Tsoulianos».
Ces deux noms de famille sont toujours en usage aujourd'hui, malgre quelques variations naturelles du fait du nombre de generations qui se sont succedees et des siecles qui se sont ecoules.
Les lieux d'habitation ainsi que la localisation des biens fonciers de ces deux familles etaient totalement differents. La famille des Tsoulianos etait disseminee dans toute la region de la toparchie, tandis que celle des Patsouros etait principalement rassemblee autour de la forteresse d'Aghia Kyriaki.
Ces deux clans etaient constamment en guerre l'un contre l'autre tout simplement pour des raisons d'orgueil familial demesure. Ils rivalisaient lors des fetes locales exhibant leurs armes ainsi que le nombre de valeureux guerriers et marins qui les composaient et excellaient contre leurs ennemis dans les nombreuses batailles qui eurent lieu a cette epoque. Toutefois, ces deux familles evitaient soigneusement de s'affronter, respectant ainsi les recommandations de leurs aines, qui savaient, eux, estimer le prix du sang et les consequences desastreuses qui resulteraient de cette confrontation.
Malgre tout, un membre de la famille des Tsoulianos, voulant venger le meurtre de l'un de ses parents par un Patsouros, meurtre tres eloigne dans le temps et oublie de tous, sans aucune raison ni logique et defiant les lois non ecrites rigoureusement respectees par les Maniotes, tua un Patsouros au village de Nomia.
Les consequences etaient previsibles : le debut d'une guerre effroyablement longue entre les deux familles.
Une autre raison, parmi d'autres, qui accrut les risques d'eclatement d'un conflit entre les deux familles fut le fait que la victime etait tres jeune, qu'il etait pere de deux enfants en bas-age (un fils appele Mougios (Michel) et une fille, Paskalia) et que sa veuve avait a peine vingt ans.
On donna alors au Conseil des Sages l'opportunite d'intervenir et de contraindre la puissante famille des Patsouros a ne pas imposer une suprematie tyrannique sur l'ensemble de la Toparchie en exercant son droit de represailles.
Il faut egalement remarquer que les conflits entre clans n'etaient pas fortuits et n'etaient pas le resultats d'actions entreprises «sous le coup de la colere», mais l'aboutissement logique d'une strategie bien preparee, apres en avoir evalue les avantages et les desavantages, destinee a permettre a un clan de l'emporter economiquement sur un autre.
Les actions de vengeance commencaient habituellement apres une reunion du conseil du clan familial et avaient, peu ou prou, pour but principal, l'elimination totale du clan maniote oppose, qui etait en fait celui dont le nombre de fusils et dont la hauteur des tours fortifiees contestaient leur suprematie dans la region.
C'est ainsi que le Conseil des Sages se reunit en session extraordinaire avant l'enterrement du defunt et profitant du fait que la grande famille des Patsouros n'avait pas le droit de vote, celui-ci profita de l'occasion pour prendre une decision severe, arrogante, partiale et irrevocable a son encontre.
Ensuite, le Conseil invita les representants du clan du defunt, c.a.d un aine accompagne de ses deux jeunes neveux, a venir sans armes, comme le leur imposait la loi non ecrite, pour entendre la decision qu'il avait prise.
Cette decision stipulait premierement que l'ensemble du clan des Patsouros devait s'installer dans un village voisin qui appartenait a la sphere d'influence du clan rival, et qu'en outre, les representants de la famille des Patsouros devaient faire une declaration solennelle, et ce, avant l'inhumation de leur defunt, selon laquelle tout le clan acceptait ce .... compromis!
Les deux neveux protesterent vivement, mais le President du Conseil des Sages, laissa clairement entendre que leur refus conduirait inevitablement a une declaration de guerre immediate contre l'ensemble des familles de la toparchie et ajouta que cette attitude serait caracterisee comme .... une infamie, puisque la patrie (Mani) etait menacee par des ennemis etrangers (les Turcs).
Cette decision du Conseil des Sages allait mettre tous les membres de notre famille dans une situation tres difficile. Toutefois, le vieil homme, tres ruse, qui representait alors notre clan, emprunta une attitude de reflexion silencieuse et paisible qui contrastait avec les vives protestations de ses deux jeunes neveux au sang chaud, et, comprenant l'objectif reel de la decision du conseil, mesura soigneusement toutes les consequences d'un refus de sa part et, parvint, en quelques minutes, a la conclusion que s'il exprimait un desaccord a ce moment precis, celui-ci serait interprete comme arrogant et provocateur.
Apres avoir reprimande ses bouillants et jeunes neveux mais affichant lui-meme une grande serenite d'ame qui cachait sa colere, il repondit calmement au President du Conseil des Sages : «Oui, nous acceptons votre decision» et donna le signal du depart de nos representants, ne voulant pas montrer qu'il n'acceptait pas cette decision. Il retourna immediatement et directement au village et convoqua tous les hommes du clan a une tres breve reunion pendant que les femmes pleuraient le defunt.
Il leur annonca la decision premeditee du Conseil des Sages, leur expliqua leur situation tragique et leur presenta tres clairement son plan qui consistait en une vengeance a grande echelle suivie de leur depart de Nomia.
Huit jours apres cet evenement, respectant en cela la coutume, les Patsouros, clan victime du meurtre commis, inviterent a diner les meilleurs hommes du clan rival, ainsi que les membres du Conseil des Sages qui avaient participe a ce compromis inique. Ils choisi- rent deliberement de ne pas inviter a ce diner, ni la famille de l'assassin ni celle de la victime.
Tous ceux qui furent invites a ce diner terrible sans exception, c'est-a-dire dix hommes selon la tradition orale, furent tues en un seul moment avec des armes, respectant en cela l'idee dominante que les vrais hommes tuent leurs ennemis seulement avec des armes, non pas avec des couteaux. Ainsi, leur acte ne pourrait pas etre qualifie par les generations suivantes ....de meurtre indigne d'hommes.
Ensuite, et apres avoir tout prepare en grand secret, ils prirent avec eux femmes et enfants ainsi que leurs biens et meubles transportables et s'enfuirent tous ensemble, avec leurs belle-familles qui craignaient des represailles. Seule la famille du defunt resta sur place.
Ils allerent s'installer dans un lieu sinistre et inaccessible de la chaine de montagne du Taygete appele Kalliazi.
Leur village natal, Nomia, fut alors en emoi et l'effervescence etait generale mais les familles frappees par cet acte de vengeance examinerent calmement la situation et bien evidemment sur l'ordre du Conseil des Sages et peut-etre aussi parce que les fuyards avaient pris quelques otages avec eux, deciderent de mettre fin a la vendetta.
Ils accepterent la perfidie de l'acte commis et finirent par le considerer comme naturel, logique et legitime.
Ils saisirent les biens des fugitifs et occuperent leur forteresse d'Aghia Kyriaki.
Enfin, ils ne permirent a personne de nuire a la famille du defunt, car celle-ci ignorait la decision injuste du Conseil. Elle est d'ailleurs restee au village de Nomia sous le controle et le pouvoir du Conseil des Sages du lieu.
Le paradoxe historique suivant apporte la preuve et corrobore le fait que ces familles reconnaissent cet acte comme legitime : recemment encore, la celebration annuelle de l'eglise d'Aghia Kyriaki appartenant a notre famille ne pouvait avoir lieu et la messe ne pouvait y etre celebree si les Patsouros n'envoyaient pas d'offrande, preuve de l'aveu de l'injustice qui leur avait ete faite.
C'est ainsi que la famille du defunt, sa veuve, son fils Mougios (Michael-Michel) et sa fille Paskalia, sont restes a Nomia,.
La lignee de tous les Patsouros de Nomia descend de Mougios (Michael-Michel).
Les descendants de Mougios resident encore en Nomia, ou il y a un quartier appele «Patsourianika», et ils considerent que le lien n'est pas rompu avec les autres membres de la famille. Ce lien est conserve et reste bien vivace jusqu'a aujourd'hui, plus de 600 ans apres le depart force de leurs ancetres et tous utilisent le meme nom de famille: «Patsouros», «Patsourakos» ou « Patsouris».
Dans le quartier de Nomia appele «Patsourianika» il y a, entre les tours, une petite eglise privee de notre famille, construite au 15eme siecle, preuve de la religiosite de ses membres. L'eglise est appelee «Taxiarchis», elle est consacree a l'Archange Michel et sa celebration a lieu le 8 Novembre.
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